[ 21/06/10 - 01H00 - Les Echos - actualisé à 00:36:16 ]
Samedi soir, la banque centrale chinoise a solennellement annoncé que le régime de change du yuan allait être progressivement assoupli. Les économistes n'anticipent toutefois qu'une poussée graduée de la devise chinoise.
YANN ROUSSEAU, Les Echos
DE NOTRE CORRESPONDANT À PEKIN.
A18 heures, samedi soir, le ministère des Affaires étrangères chinois a solennellement informé plusieurs ambassadeurs occidentaux basés à Pékin que le pays était sur le point de dévoiler une réforme politique d'importance capitale pour la planète. Une heure plus tard, la banque centrale révélait que le régime de change du yuan allait être progressivement assoupli et laissait même entendre que la monnaie chinoise allait abandonner, pour la première fois depuis près de deux ans, son ancrage à l'évolution du dollar. A compter de ce matin, la monnaie chinoise pourra voir sa valeur évoluer chaque jour sous le contrôle permanent des autorités autour d'un panier de devises étrangères de référence.
Pour justifier ce virage stratégique que les Etats-Unis et plusieurs grands partenaires commerciaux du pays réclament depuis des mois, Pékin a expliqué qu'il avait en partie confiance dans la qualité de sa reprise et pouvait dès lors mettre un terme à la « politique exceptionnelle » d'indexation sur le dollar mise en place à la mi-2008 pour protéger la croissance domestique de la crise financière mondiale.
Pékin, qui avait gelé l'appréciation de sa monnaie, après lui avoir laissé gagner 21 % sur le dollar entre juillet 2005 et juillet 2008, avait tenté, en stabilisant la valeur du yuan, de défendre ses exportateurs déjà violemment touchés par la baisse de la demande mondiale. « C'est le début d'une nouvelle ère », a assuré Li Daokui, l'un des conseillers de la banque centrale. Si plusieurs dirigeants étrangers ont salué, au fil du week-end, l'annonce de Pékin (voir ci-dessous), les analystes s'interrogeaient, eux, sur les conséquences exactes de ce retour à un système de « taux de change flottant administré ». Hier, tous s'entendaient pour exclure une réévaluation forte et rapide de la monnaie chinoise dans les prochains mois. Ils notaient d'ailleurs que la banque centrale avait, elle-même dans un communiqué, mis en avant la réduction récente de ses surplus pour écarter l'hypothèse « d'une appréciation de grande envergure ».
Mesure préventive
Dans une note à ses clients, Andy Rothman, un économiste de CLSA, anticipait, ce week-end, une appréciation d'à peine 0,2 % par mois jusqu'à ce que la situation en Europe se soit réellement stabilisée. « Ensuite, nous pouvons envisager le retour à une appréciation annuelle de 5 % à 7 % comparable à la période 2005-2007 », assure-t-il. « Cette annonce ouvre la voie à une petite réévaluation dans un avenir proche », a confirmé Jin Dehuan, un économiste du Shanghai Securities and Futures Institute, qui remarque que la décision intervient à une semaine d'un sommet du G20, annoncé houleux pour les défenseurs de la politique monétaire chinoise. « C'est une mesure préventive contre les pressions auxquelles la Chine pourrait être confrontée au G20 », assure l'expert.
Cherchant à modérer le probable enthousiasme des marchés financiers, les économistes rappellent que les récentes appréciations du yuan face au dollar n'ont jamais enclenché de véritable mouvement de rééquilibrage des grands flux commerciaux mondiaux et n'ont eu que des impacts restreints sur les performances des grandes multinationales domestiques ou étrangères. Les autorités communistes prennent d'ailleurs elles-mêmes plaisir à rappeler que le déficit commercial américain avec la Chine avait continué à se creuser entre 2005 et 2008 alors qu'elles avaient orchestré, sur la même période, l'une des plus spectaculaires hausses de la valeur de leur monnaie.